Comment faire la différence entre ce qui est sain et ce qui l’est moins en matière d’alimentation et d’activité physique?

  • 17 décembre 2014
  • Isabelle LABRECQUE, D.Psy | Psychologue

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Le but de cet article est de répondre à une question souvent demandée quand on parle d’alimentation et d’activité physique : quelle est la différence entre ce qui est « sain » et ce qui est « malsain » ? Nous entendons souvent, voire de plus en plus, parler de l’importance de faire de l’activité physique et d’avoir une saine alimentation. Et avec raison, puisqu’on en connait maintenant les nombreux bienfaits physiques et psychologiques. Ma collègue Isabelle SoucyChartier a d’ailleurs écrit une chronique intéressante à ce sujet, abordant l’impact de l’activité physique sur la santé psychologique. Or, ayant aujourd’hui accès à une multitude d’informations sur le sujet, plusieurs se demandent si les préoccupations qui les habitent concernant leurs habitudes au niveau de l’activité physique et de l’alimentation sont « normales » ou, à l’inverse, s’ils devraient envisager d’aller consulter. Comment départager ce qui est sain, de ce qui l’est moins ?

Il est vrai qu’il est parfois difficile d’établir une limite claire pour déterminer si un comportement ou une attitude est plutôt sain(e) ou plutôt malsain(e). Il y a toutefois certains points de repère importants auxquels vous pouvez réfléchir si vous vous posez la question; pour vous-même, pour un proche ou pour un client.

Il est primordial de (1) mettre ces habitudes et comportements en contexte et de s’attarder à ce qu’il y a derrière ceux-ci : qu’est-ce qui motive la personne à agir ainsi ? Le fait-elle pour sa santé physique, par exemple prévenir le développement d’une maladie héréditaire ? Par plaisir ? Pour être à la mode et sentir qu’elle fait partie de la gang ? Pour l’apparence physique ? Allez plus loin dans la réflexion : qu’elles sont les motivations réelles ? Il peut parfois y avoir un écart entre ce que l’individu va rapporter comme étant ses motivations et ses motivations réelles, plus profondes et parfois même inconscientes. Certains sont même convaincus qu’ils s’entrainent et/ou appliquent une certaine diète alimentaire pour leur santé d’abord, alors qu’une réflexion sur le sujet les emmène à réaliser qu’ils le font pour d’autres raisons, souvent pour l’apparence physique, parce qu’ils ont peur de ne pas être désirables, appréciés, ou à la hauteur par exemple.

Ces motivations ne sont bien sûr pas malsaines en soit, il est important de le mentionner, mais peuvent à la longue prédisposer l’individu à adopter des habitudes qui seront potentiellement nuisibles lorsqu’elles deviendront (2) rigides (impossible pour la personne de déroger de ses habitudes ou, si elle le fait, présente une détresse importante), envahissantes (quand les préoccupations concernant l’activité physique et l’alimentation prennent beaucoup de place, voir toute la place, par ex., jusqu’à s’isoler socialement) et source d’une souffrance importante pour l’individu et/ou pour ses proches. Il arrive que la personne elle-même ne soit pas en contact avec la détresse qui sous-tend ses habitudes, mais la présence d’une détresse chez les proches (par ex., peurs et inquiétudes, colère, sentiment d’impuissance, etc.) est un indicateur que les habitudes de la personne en question sont de moins en moins saines.

On peut également s’attarder à (3) la sévérité des symptômes. L’individu se sent-il coupable de ne pas aller à l’entrainement prévu ou bien de manger au restaurant ? Plus loin dans la réflexion : cette culpabilité est-elle quasi absente ? D’une durée de quelques minutes ? De quelques heures ? D’une journée entière ? De quelques jours ? On peut y voir le degré d’envahissement et la souffrance vécue en s’attardant à cette question. Il faut noter également que certains vont vivre de la colère, d’autre un sentiment de déprime. Peu importe que ce soit de la culpabilité, de la colère ou de la déprime, il s’agit d’émotions négatives reliées au fait de se voir déroger de ses habitudes. Ces émotions négatives laissent supposer que la personne a fondamentalement peur de prendre du poids ou de perdre sa masse musculaire. Cette crainte est souvent reliée à des enjeux psychologiques plus profonds qu’il est possible d’identifier dans le cadre d’une psychothérapie.

Finalement, dans quelle mesure les préoccupations et habitudes de l’individu entrainent un (4) dysfonctionnement dans son quotidien ? C’est-à-dire, une perte des repères habituels dans des domaines importants, tels qu’avoir un réseau social satisfaisant, s’investir dans plusieurs sphères comme les études, le travail, la famille, les loisirs, etc. Un exemple courant : l’individu s’isole de son entourage au point où son réseau s’effrite au fil du temps.

La réflexion est volontairement axée sur les manifestations permettant d’identifier si des préoccupations, comportements et habitudes en lien avec l’activité physique et l’alimentation sont dans le registre du « malsain », mais l’inverse est aussi vrai : plusieurs présentent un certain niveau de préoccupations et ont à cœur d’entretenir certaines habitudes d’activité physique et d’alimentation sans jamais présenter les éléments mentionnés plus haut (détresse, réactions des proches, fonctionnement quotidien affecté, etc.). Ainsi, et c’est pourquoi je me réserve de mettre le terme malsain entre guillemets, il importe de positionner les habitudes en lien avec l’activité physique et l’alimentation sur un continuum, où se trouve à l’extrémité gauche une absence de préoccupations, ce qui est plutôt rare, et à l’extrémité droite, des préoccupations marquées entrainant souffrance et dysfonctionnement, où l’on parle ici d’un trouble des conduites alimentaires. Quand on sait que l’anorexie est présente chez 0,4 % de la population générale, et que la prévalence de la boulimie se situe entre 1 et 1,5 % (APA, 2013), on peut en conclure qu’ils sont eux aussi relativement rares, mais non moins importants. Entre les deux pôles du continuum se trouve une multitude de comportements et d’attitudes plus ou moins problématiques.

En terminant : quand consulter ?

Dans une certaine mesure, il n’y a pas de bonnes ou de moins bonnes raisons pour décider de consulter un thérapeute. Cette décision repose globalement sur une volonté de réfléchir autrement sur soi, approfondir sa compréhension de certains comportements, attitudes ou patterns personnels qu’on aimerait changer, et se réapproprier du pouvoir sur sa vie. Dans cette optique, il s’agit là d’une démarche accessible pour tous. Bien sûr, si vous vous reconnaissez ou reconnaissez un proche ou un client dans cet article, l’idée de consulter ou de référer est certainement une avenue à considérer sérieusement. Si vous avez des questions ou des commentaires, il me fera plaisir d’y répondre.

Isabelle LABRECQUE, D.Psy | Psychologue
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